Vie privée et protection des renseignements personnels : revue de la jurisprudence 2017

Introduction

Le millésime 2017 s’est annoncé petit par la production, mais grand par la qualité. C’est là un constat commun entre l’industrie viticole et le domaine de la vie privée et de la protection des renseignements personnels. La comparaison ne s’arrête pas là puisque le calendrier de l’un en dit long sur le parcours de l’autre :

  • De janvier à mai, c’est le temps de la taille, de l’ouillage, du palissage, mais pas vraiment de bourgeons (de décisions) à l’horizon.
  •  Juin marque le début des festivités et rend hommage au proverbe : « en juin, prépare autant de tonneaux que tu compteras de jours beaux ». Le 23 et le 28 juin 2017, la Cour suprême du Canada fait belles vendanges en rendant deux arrêts très attendus sur des sujets contemporains : la possibilité de poursuivre un intermédiaire technique ailleurs qu’en Californie malgré ses conditions d’utilisation dans Douez c. Facebook, Inc., ainsi que les enjeux relatifs à la territorialité des injonctions et à la désindexation sur un moteur de recherche dans Google Inc. c. Equustek Solutions Inc.
  • De juillet à septembre, l’heure est à l’éclaircissage, au traitement contre les parasites et à la surveillance : il y a de l’espoir dans la patience.
  • Octobre, mois faste, c’est (enfin!) le temps de cueillir les raisins. Le 19 octobre 2017, dans les affaires Compu.Finder, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes s’en donne à cœur joie en se prononçant à la fois sur les conséquences et la constitutionnalité de la Loi anti-pourriel. Une autre confirmation du dicton « quand octobre est dans sa fin, dans la cuve est le raisin ».
  • Novembre, on s’affaire à la pré-taille et au buttage, mais surtout c’est le moment de goûter le vin nouveau. Le « mal de la Saint Martin » sévit (soit l’abus de vin), ce qui justifie une période plus tranquille en matière de vie privée.
  • Décembre, la fin d’année est imminente, il faut s’aventurer dans les caves et vider les tonneaux. Encore une fois, la Cour suprême du Canada est au rendez-vous (avant l’heure même!), notamment par le biais de ses décisions rendues le même jour dans les affaires R. c. Marakah et R. c. Jones. On y précise la portée et l’application de la protection conférée par l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés aux messages textes. La Cour d’appel fédérale n’est pas en reste, en rendant, le premier du mois, son arrêt Toronto Real Estate Board c. Commissaire de la concurrence, à la croisée du droit de la concurrence et de la protection des renseignements personnels.

Au bout du compte, on peut lever son verre à l’année 2017 qui a été un beau millésime, avec une série de décisions « grand cru ». Il convient maintenant de ranger les bouteilles et de laisser place au sérieux. En l’occurrence, nous analyserons les décisions mentionnées ci-haut, non pas par ordre chronologique, mais par priorité et axes d’intérêt.

Nous débuterons d’abord par les enjeux de vie privée et de messages textes (axe 1), puis par les questions de juridiction (axe 2) et de territorialité (axe 3), nous poursuivrons sur l’angle de la concurrence (axe 4) pour finir sur les aspects anti-pourriel (axe 5). Cette structure jalonne selon nous les moments importants de l’année 2017 en matière de vie privée et de protection des renseignements personnels – étant entendu que d’autres décisions et enquêtes, notamment du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada et de la Commission d’accès à l’information du Québec, soulèvent également des questions intéressantes, mais écrire, c’est choisir, et choisir, c’est renoncer. Sur ce, on ne peut que vous souhaiter une agréable dégustation…

Ce contenu a été mis à jour le 27 mai 2018 à 10 h 33 min.